Les tuiles s’accumulent pour le géant Boeing: crashs de deux 737 MAX 8 en 2018 et en 2019 qui ont fait un total de 346 morts, incident début janvier 2024 sur un 737 MAX 9 d’Alaska Airlines et plus récemment «problèmes de non-conformité» repérés dans le contrôle de production de Boeing et de son sous-traitant Spirit AeroSystems.
Sans surprise, la crise qui frappe actuellement le géant de l’aviation oblige l’entreprise à passer en mode «gestion de crise» avec l’annonce du départ prochain du PDG Dave Calhoun à la fin 2024.
Un sondage de Morning Consult réalisé auprès de 170 000 personnes indique que les déboires du géant de l’aviation commencent à avoir des effets sur la confiance des avions Boeing, spécialement chez les grands voyageurs (voyageurs fréquents) et les voyageurs d’affaires.
La confiance nette (net trust, en anglais) représente la part des personnes qui déclarent faire confiance à une marque moins celles qui disent ne pas le faire.
À cet égard, il faut se souvenir que le grand public achète non seulement un voyage en avion, mais aussi un produit ou un service et donc, des images et des émotions.
C’est d’autant plus important qu’un pourcentage significatif des voyageurs avouent ne pas aimer particulièrement se déplacer en avion—jusqu’à 40% des gens selon certains sondages.
Est-ce que tel modèle d’avion est sécuritaire? Est-ce que tel aéroport est plus risqué (par exemple, l’aéroport Kai Tak à Hong Kong il y a plusieurs année), quoi penser de telle compagnie aérienne ou de tel déplacement dans un pays?
À l’ère des médias sociaux et du téléphone intelligent, et comme je le rappelle dans cet article scientifique portant sur la crise de United Airlines, la réputation est soumise aux aléas des internautes qui peuvent désormais partager divers contenus (vidéos, textes, audio et photos) et toucher de larges auditoires sur Facebook, X (Twitter) ou LinkedIn et par la bande, sur les média traditionnels.
De nos jours, le public utilise les médias sociaux pour s’informer et se divertir, mais aussi pour commenter, donner son avis ou son opinion et partager des photographies ou des vidéos.
Les images, les vidéos et l’actualité servent à construire la réputation de l’organisation; nous avons besoin de leur valeur symbolique. C’est sur ce besoin fondamental de sens que jouent les relationnistes sur les médias sociaux.
«La réputation des entreprises apparaît à la fois comme un actif intangible des organisations et comme une finalité des nombreuses stratégies de communication», écrit Camille Alloing (1).
«La réputation est un élément de grande valeur dans le patrimoine immatériel d’une organisation. C’est cependant un actif multifactoriel fluctuant, difficile à bâtir, mais facile à perdre, qu’il faut gérer avec soin et pour lequel la communication joue un rôle de premier plan», précise Charest, Alcantara, Lavigne et Moumouni (2).
Selon le cas, ces interactions ont pour effet de susciter des émotions ou d’évoquer des convictions ou des perceptions de crédibilité.
Cette prise de parole des uns et des autres sur les médias sociaux et dans les médias traditionnels est d’autant plus importante qu’elle a parfois une incidence sur la valeur des entreprises en bourse comme on peut le voir dans le cas de Boeing.
Ainsi, depuis 2020 et à nouveau depuis la fin 2023, le titre de Boeing a perdu en valeur boursière.
La puissance virale de ce type d’événement peut donc être considérable et avoir des impacts importants sur le plan image, bien sûr, mais aussi sur le plan financier d’une organisation à court terme.
Dans son sillon, cette crise a déjà comme effet de modifier le regard que portent plusieurs transporteurs et plusieurs juridictions nationales sur le géant de l’aviation.
Pour cette raison, l’un des objectifs prioritaires poursuivis par les relationnistes lors d’une gestion de crise comme celle de Boeing est de donner aux publics une information précise:
Faire preuve d'empathie
Livrer un état de la situation
Comprendre les causes profondes de la crise (défaillances internes, problèmes de conception, etc.)
Collaborer étroitement avec les autorités réglementaires et les clients pour mettre en œuvre des solutions
Établir des objectifs clairs pour la communication (restaurer la confiance)
Prendre des mesures concrètes pour résoudre les problèmes à l'origine de la crise,
Définir les messages clés à communiquer à chaque partie prenante
Informer sur les actions correctives
S’ajuster, évaluer et apprendre
Dans tous les cas, démontrer du leadership (à cet égard, l’annonce de l’arrivée prochaine d’un nouveau PDG chez Boeing est un pas dans la bonne direction)
Boeing doit non seulement prendre des mesures concrètes pour résoudre les problèmes sous-jacents, mais aussi reconstruire la confiance de ses clients et du public en général.
En reconnaissant les impacts de la crise, en communiquant de manière transparente et en prenant des mesures correctives sérieuses, Boeing peut espérer surmonter cette épreuve et restaurer sa réputation dans l'industrie aéronautique.
Sources:
(1) Alloing Camille, 2016, [E]réputation : médiation, calcul, émotion, Paris, CNRS Éditions, p. 21.
(2) Charest Francine, Alcantara Christophe, Lavigne Alain, Moumouni Charles, 2017, E-réputation et influenceurs dans les médias sociaux : nouveaux enjeux pour les organisations, Montréal, Presses de l’Université du Québec, p. viii.
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IMAGES DE LA SEMAINE
Pourcentage de voyageurs qui s’inquiètent suite aux déboires de Boeing.
La compagnie aérienne qui possède le plus de 737 Max.
Sur l’impact des difficultés de Boeing sur la vente d’avions 737 Max.
Les problèmes de Boeing, le bonheur d’Airbus.
À PROPOS DE LUC DUPONT
Luc Dupont est professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa. Il est également auteur, conférencier et chercheur associé à l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques (OMSRP). Il donne chaque année de nombreuses entrevues dans les médias sur le marketing et la communication. Luc Dupont est présent sur les plateformes X (Twitter), Facebook, LinkedIn, Instagram, Pinterest, Soundcloud et YouTube.