Je sais, c’est à la mode d’annoncer la mort des médias traditionnels. Et pourtant, les grands annonceurs québécois privilégient encore la télévision. Ce n’est pas un hasard.
Selon le légendaire David Ogilvy, «La télévision est apparue comme le plus puissant médium pour vendre la majorité des produits[1]», ce que confirment plus récemment des études de MarketShare[2] et de CBS[3].
Au Québec, les brasseries et les cigarettiers ont été parmi les premiers annonceurs et commanditaires à comprendre la force de la publicité à la télévision.
De nos jours, malgré le discours ambiant, la télévision est encore un média fort, car elle est toujours synonyme de rassemblement.
La publicité offre cinq avantages :
La télévision est multisensorielle. La télévision vous permet d’utiliser l’image, le mouvement, la couleur et le son, ce qui confère à votre publicité un pouvoir quasi magique.
Contrairement aux autres médias qui exploitent un sens, la télévision joue sur deux sens. La combinaison du son et de l’image crée un fort impact qui permet de véhiculer des émotions, spécialement lors des événements en direct comme un match de hockey ou les Jeux olympiques. Cela fait de la télévision un média particulièrement persuasif.
La télévision est un média prestigieux. La télévision rehausse l’image de votre produit auprès des consommateurs. Elle donne de la crédibilité à votre marque, une image de leader dans votre marché. Pour cette raison, la télévision est particulièrement efficace pour lancer un nouveau produit, développer une image ou modifier la perception d’un produit existant.
La télévision est un média de notoriété et de rappel. Quand on demande aux consommateurs de nommer une publicité qui les a marqués, près de 90 % des messages publicitaires cités sont des messages diffusés par la télévision[4]. Cela illustre bien le pouvoir de la télévision sur les gens.
La télévision garantit une couverture nationale ou régionale, selon le cas. Le petit écran vous permet de rejoindre rapidement votre clientèle. En achetant différentes émissions sur différentes stations, vous touchez de vastes auditoires. Voilà pourquoi la télévision est un bon média pour annoncer des produits de consommation courants comme le détersif, le shampooing ou le dentifrice.
Techniquement, la télévision est partout: à la maison, au travail, dans les centres de conditionnement physique, dans les poches de votre pantalon, etc. La télévision (certains diraient maintenant la vidéo) est désormais accessible en tout temps.
Pour toutes ces raisons, la télévision est un média puissant, principalement parce que la plupart des gens regardent encore la télévision.
Toutefois, il faut bien l’avouer, la publicité à la télévision coûte parfois très cher, particulièrement lorsqu’on tient compte des frais de diffusion et de production des messages—entre 100 000 $ et un million pour les messages nationaux, mais beaucoup moins pour les messages locaux.
La télévision a d’autres inconvénients. La durée d’un commercial télévisé est limitée à quelques secondes et la conception/tournage du message fait souvent la différence entre un succès et un échec.
Évidemment, il serait utopique de penser que le zapping (changement de chaîne), le muting (mise en sourdine du son), l’enregistreur numérique, la vidéo sur demande (par exemple, Netflix), la multiplication des chaînes et l’internet n’ont pas eu d’effet sur les cotes d’écoute et l’efficacité publicitaire de la télévision. J’ai d’ailleurs développé abondamment sur ces phénomènes dans mon livre Comment bâtir sa stratégie média et publicité.
Malgré tous ses problèmes, les publicitaires savent que la télévision est dans une classe à part. Les investissements publicitaires à la télévision atteignaient plus de 603 millions de dollars au Québec en 2022, selon le Centre d’études sur les médias.
Selon Numeris (cité par NLogic, la filiale à but lucratif de Numeris), les Québécois passent en moyenne 24.4 heures par semaine devant leur petit écran (printemps 2024). Les plus grands consommateurs de télévision sont les femmes et les gens âgés (50 ans et plus).
«Les francophones du Québec apprécient davantage leurs émissions de la télévision traditionnelle que les autres Canadiens. Cela se reflète par 9 heures de visionnement supplémentaire par semaine !», écrit Anne-Sophie Collins.
À lui seul, TVA est la station la plus regardée par les Québécois âgés de 2 ans+ avec 24,3% de part d'écoute dans le marché du Québec Franco au printemps 2024.
Il n'y a peut-être pas tant de mystère aux cotes d'écoute que récoltent TVA et la SRC.
«De tous les téléspectateurs du monde, les Québécois sont peut-être les plus passifs et les moins aventuriers[5]!», écrit Guy Fournier, chroniqueur média.
Ainsi, le taux d’utilisation de Netflix est moins élevé chez les francophones que chez les non-francophones.
«Leurs habitudes d’écoute changent à pas de tortue, ce qui n’est pas le cas chez les anglophones, rappelle Fournier. (…) Il n’y a que des émissions québécoises dans le « top 20 » du palmarès de notre télé[6].»
Lors du premier trimestre de 2024, les parts d’écoute vidéo de la télévision linéaire au Québec (share of viewing) étaient de 79,2% vs 20,8% pour YouTube, TikTok, Netflix, Amazon Prime, Disney Plus et autres Pure players.
Le succès des campagnes publicitaires de Tim Hortons, Bell, Pepsi-Cola, McDonald’s et de la Fédération des producteurs de lait ont montré la puissance de la publicité télévisée au Québec.
«L’émission du Bye Bye 2023 diffusé à 23h a atteint un auditoire moyen à la minute (AMA) de 4,569 M de téléspectateurs. L’émission rejoint littéralement plus de la moitié du Québec en direct avec des cotes d’écoute de 59,22%», précise Anne-Marie Collins
À cet égard, la télévision s’impose encore et toujours dans tous les domaines du divertissement, et ce, même si elle est «le dernier maillon des médias qui est en train de passer dans la moulinette de la convergence numérique.
Sources:
[1] Ogilvy, David (1983), La publicité selon Ogilvy, Paris, Dunod, p. 7.
[2] Lynch, Jason (2015), « Why TV is still the most effective advertising medium », Adweek, http://www.adweek.com/tv-video/why-tv-still-most-effective-advertising-medium-165247/
[3] Lynch, Jason (2015), « TV trumps digital in spending and reach », Adweek, http://www.adweek.com/tv-video/tv-nets-advertisers-stick-us-heres-why-165342/
[4] Cossette, Claude et René Déry (1992), La publicité en action, Québec, Les Éditions Riguil Internationales, p. 433.
[5] Fournier, Guy (2014), « Quel est le mystère de notre télévision », Journal de Québec, 6 mai, p. M4.
[6] Fournier, Guy (2017), « Le Québec résiste toujours à Netflix », Journal de Montréal, 6 juillet, http://www.journaldemontreal.com/2017/07/06/le-quebec-resiste-toujours-a-netflix
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CONFÉRENCE - LA CAGE - BRASSERIE SPORTIVE
Pour la deuxième fois en cinq ans, j’ai donné la semaine dernière une conférence lors du congrès annuel des restaurants/bars La Cage du groupe Grandio.
Ma conférence était intitulée Savourer le succès : tendances marketing clés dans l'industrie de la restauration. Dans un monde où les clients sont plus connectés, informés et exigeants que jamais, il est en effet crucial de rester à l'avant-garde des dernières tendances marketing dans le monde de la restauration: réalité de la création d'une expérience client mémorable, changements dans les préférences alimentaires, stratégies pour maximiser la présence en ligne, médias sociaux, etc.
Pour l’occasion, plus de 500 personnes (gérants, fournisseurs et partenaires) étaient réunis pour faire le bilan de la dernière année et annoncer les nouveautés de l’année à venir.
Ce fut aussi pour moi l’occasion d’échanger avec de nombreux participants dont Bobby Côté qui travaille chez Kruger à Québec. Lors de cette échange, Monsieur Côté m’a rappelé l’importance de rencontrer les clients de manière virtuelle mais aussi en personne. Une journée enrichissante!
IMAGE DE LA SEMAINE
Part d’écoute de la télévision Québec francophone — automne 2023.
À PROPOS DE LUC DUPONT
Luc Dupont est professeur au département de communication de l’Université d’Ottawa. Il est également auteur, conférencier et chercheur associé à l’Observatoire des médias sociaux en relations publiques (OMSRP). Il donne chaque année de nombreuses entrevues dans les médias sur le marketing et la communication. Luc Dupont est présent sur les plateformes X/Twitter, Facebook, LinkedIn, Instagram, Pinterest, Soundcloud et YouTube.